L’économie bleue au Portugal

Blue Innovation. La mer a toujours été un élément important de l’identité historique et géographique du Portugal, et votre gouvernement s’est donné pour objectif de doubler la part « bleue » de l’économie nationale, pour atteindre 5 % du PIB. Quels axes majeurs le développement de l’économie bleue du pays devra-t-il suivre afin de réaliser une telle croissance ?

Ana Paula Vitorino. En ce qui concerne l’économie bleue, le Portugal concentre ses efforts au sein d’un compromis entre générer un nouveau cycle de développement économique et créer plus de durabilité environnementale. Nous avons deux politiques à suivre afin d’atteindre ces objectifs : la première est d’assurer la compétitivité de nos ports et de promouvoir un réseau mondial de transport maritime « vert » et de « clusters » de technologie portuaire ; la deuxième est de promouvoir de nouvelles activités de l’économie bleue, comme les énergies marines renouvelables et la biotechnologie bleue. La première politique à suivre se concentre sur les ports en tant qu’accès privilégiés à la mer et sur l’installation d’industries maritimes. Le système portuaire doit être à la tête de la réalisation d’une économie bleue circulaire, non seulement en augmentant son efficacité énergétique et environnementale, mais aussi en agissant en tant qu’acteur du changement, en œuvrant pour l’émergence d’entreprises novatrices qui permettront à l’économie circulaire de se développer. Cela sera possible à l’échelle internationale grâce à la création d’un réseau mondial de « clusters » d’entreprises dans le secteur de la technologie portuaire, accélérant des plates-formes durables de technologie et d’innovation bleues. Soutenir le transport maritime vert accélère l’introduction de technologies et de solutions qui réduisent et éliminent les émissions de particules et de gaz à effet de serre ou permettent le traitement d’eaux de lest. L’Organisation maritime internationale a déjà établi que la limite de 0,5 % d’émissions de soufre sera en vigueur le long des voies maritimes mondiales à partir de 2020, ainsi qu’une réduction de 30 % d’émissions de CO2 d’ici à 2030. La deuxième politique à suivre, c’est-à-dire la promotion de nouvelles activités économiques maritimes, nécessite des investissements dans la recherche, la science et l’innovation, ainsi que des efforts pour soutenir la transition de la phase de consolidation des connaissances à celle de la commercialisation et de l’industrialisation. Ces activités sont sans précédent au sein de nos économies et ne bénéficient pas encore de technologies consolidées, abordables et faciles d’utilisation.

Quelles aides publiques sont disponibles ?

Accélérer cet effort d’innovation nécessite une politique financière de mixage fondée sur des ressources nationales et internationales, publiques et privées. Au Portugal, nous disposons de 600 millions d’euros pour appuyer la science et l’innovation au sein de l’économie maritime, une enveloppe répartie entre trois mécanismes financiers : « Mar 2020 », qui appuie le développement du secteur de la pêche et de l’aquaculture ; le Fonds bleu, qui finance le développement d’activités économiques maritimes durables et qui dispose des moyens de réaliser des accords de cofinancement avec des acteurs publics et privés ; des subventions de l’Espace économique européen pour soutenir de nouvelles activités de recherche et de développement et des innovations au sein de l’économie bleue. Nous nous attendons à ce que ces instruments favorisent le démarrage d’une économie bleue vive et prospère qui assurera des revenus et des emplois à tous.

Pensez-vous que l’UE fasse assez pour soutenir le développement des économies bleues de ses États membres ?

L’UE a fait beaucoup d’efforts à cet égard. Le commissaire Vella a élaboré une approche proactive et novatrice, mettant l’accent sur le besoin de dépasser les activités traditionnelles du secteur de la pêche et du transport maritime. Il a également adopté des thèmes « frontaliers », élaborant des politiques à suivre et les dotant de financements, comme les énergies marines renouvelables et la biotechnologie bleue. De plus, et en se basant sur ces efforts, la Commission européenne prépare le lancement d’une plate-forme d’investissements bleus, un mécanisme qui aura pour objectif de tisser des liens entre entrepreneurs bleus et investisseurs, ainsi que de rassembler au sein du même réseau d’innovation des fonds d’investissement publics et privés qui s’intéressent à l’économie bleue. Mais, malgré tout ce dynamisme, il reste beaucoup à faire pour que ce message parvienne jusqu’aux plus hautes priorités politiques. L’Europe doit prendre en compte le fait que sa dimension maritime est un avantage absolument stratégique pour sa projection sur la scène internationale et son rôle directeur de l’élaboration d’un modèle de développement durable.

Si elle était acceptée, la demande du gouvernement portugais que soient étendues les limites du plateau continental du pays doublerait sa zone économique exclusive (ZEE), qui deviendrait alors la dixième plus grande au monde. La mer représenterait alors 97 % du territoire du Portugal. Quel serait d’après vous l’impact économique d’une telle extension ?

Cela constitue une énorme opportunité de croissance, mais également une grande responsabilité. La stratégie maritime du Portugal se fonde sur trois axes : promouvoir les connaissances et la souveraineté bleue, dont les savoirs et la sécurité maritime ; promouvoir la durabilité environnementale bleue ; et promouvoir l’économie bleue. Les océans sont une source abondante de nouvelles opportunités économiques dans divers secteurs – ports, transport maritime, pêche, aquaculture, énergies marines, ressources géologiques, organismes marins –, mais ont subi de nombreux impacts négatifs de l’activité humaine. Voilà pourquoi le programme du gouvernement portugais bénéficie d’un soutien stratégique au sein du concept d’économie circulaire. En remplaçant le concept du « en fin de vie » des modèles économiques linéaires par des flux circulaires de réutilisation, de rénovation et de renouveau, le processus intégré de l’économie circulaire est un élément clé favorisant le découplage entre croissance économique et utilisation de ressources, traditionnellement considéré comme inexorable.

En somme, l’objectif est de développer de nouveaux produits et des services économiquement viables et écologiquement efficaces, ancrés dans des cycles idéalement perpétuels de reconversion en amont et en aval. λ

Ana Paula Vitorino

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