L’Asie centre de gravité de la pêche mondiale

Le poids relatif encore plus important de l’aquaculture asiatique s’explique à la fois par l’histoire longue, par l’histoire contemporaine et par les traditions. En effet, en raison du penchant particulièrement marqué des cuisines asiatiques (surtout chinoise et japonaise) pour le « frais », l’accès aux ressources vivantes, y compris sur les marchés où le poisson s’achète souvent sous cette forme, est privilégié. C’est donc depuis très longtemps que la consommation de produits marins ou aquatiques de façon générale est associée à l’aquaculture, même si la dénomination de l’activité elle-même est récente. L’Asie a pratiqué l’aquaculture (avec la présence systématique de bassins d’agrément ou d’élevage, destinés ou non à la consommation des propriétaires) comme Monsieur Jourdain faisait de la prose, pourrait-on dire plaisamment. L’élevage ou le maintien en milieu de « survie » de poisson pêché est ainsi soit une transition entre la pêche et la consommation, soit une extension progressivement systématisée de la filière alimentaire. De grands groupes issus de l’industrie agroalimentaire « généraliste » se sont développés dans ce secteur et sont ainsi devenus les leaders en Asie, mais aussi au-delà (2). L’exemple le plus fameux est assurément celui du groupe d’origine thaïlandaise connu désormais sous le nom de CP, précédemment Charoen Pokphand, fondé au début du XXe siècle en Thaïlande par deux frères issus de la diaspora chinoise, et initialement actif dans différents élevages, dont le porc, ainsi que dans l’alimentation animale. Au milieu du XXe siècle, la diversification dans l’aquaculture (élevage de crevettes, d’abord en Thaïlande, puis dans des filiales asiatiques, à commencer par l’Indonésie) a été un levier puissant de développement pour ce groupe qui représente environ 10 % du PIB de la Thaïlande à travers ses différentes activités. De même, les sogo soshas [NdlR : maisons de négoce] japonaises se sont intéressées au secteur de la pêche, au négoce de poisson (rappelons l’existence du plus grand marché aux poissons du monde à Tokyo, Tsukiji), à l’aquaculture… Le groupe Mitsubishi a même lancé une offre de rachat sur le leader norvégien du saumon d’élevage, Cermaq. La croissance de ce secteur reste supérieure à 7 % par an en Asie et a été très forte jusqu’en 2013, comme le montre une étude importante de la revue Nature (3) publiée à cette date. Chine, Inde, Vietnam, Indonésie et Bangladesh représentent à eux seuls 80 % de la production mondiale aquacole. La Norvège, premier producteur mondial de saumon, est sixième.

Camille  Mattéio

Global purchasing manager, Figesbal (groupe Ballande).

Jean-François Di Meglio

Président d’Asia Centre.

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